Les 10 recommandations du HCE pour lutter contre le sexisme
Dans le cadre de son cinquième rapport sur l’état des lieux du sexisme en France, le Haut Conseil à l'Egalité entre les Femmes et les Hommes (HCE) a publié ce lundi 23 janvier, son baromètre annuel sur le sexisme, mené par l’Institut Viavoice, auprès d’un échantillon représentation de la population française constitué de 2 500 femmes et hommes.

Le constat est plutôt inquiétant. Malgré des avancées incontestables en matière de droits des femmes, le rapport s’inquiète d’une situation « alarmante » faisant « le constat d’une société française qui demeure très sexiste dans toutes ses sphères » y compris chez les 25-34 ans.
Reconnaissance des inégalités entre hommes et femmes
Une immense majorité des Françaises et Français constate des inégalités de traitement. Ainsi, 93 % estiment que les femmes et les hommes ne connaissent pas le même traitement dans au moins une des sphères de la société : personnelle, professionnelle, école etc… Ce consensus autour du traitement inégal entre femmes et hommes suscite dans l’opinion le sentiment très net qu’il est plus difficile d’être une femme qu’un homme dans la société actuelle (55 % considèrent qu’il est difficile d’être une femme contre 20 % pour un homme). Ce constat est encore plus largement partagé par les jeunes femmes de 15 à 24 ans, puisqu’il en concerne 4 sur 5.
Pour ne pas être confrontés à des manifestations de comportements sexistes, les femmes mettent donc en place des stratégies d’évitement. Ainsi, 9 femmes interrogées sur 10 affirment anticiper les actes et les propos sexistes des hommes. 8 femmes sur 10 ayant peur de rentrer seules chez elles le soir, elles renoncent par exemple à sortir et faire des activités seules (55 %) ou à s’habiller comme elles le souhaitent (52 %).
Paradoxalement donc, si la majorité des français font le constat d’inégalités manifestes, il n’y a pas d’effet concret ou immédiat sur l’évolution de la situation réelle des femmes. Pire encore, certaines manifestations sexistes, celles du quotidien, « banales », « insidieuses », voire « bienveillantes, semblent accepter par une partie de la population.
L’acceptabilité de situations sexistes du quotidien
Le rapport souligne que les représentations très genrées, qu’elles soient à destination des femmes ou des hommes, demeurent en effet profondément ancrées dans l’opinion. Par exemple, 17 % des femmes et 35 % des hommes considèrent qu’il est normal que les femmes prennent plus soin de leur physique. 46 % des femmes et 39 % des hommes pensent qu’il est plus difficile pour les hommes de pleurer que pour les femmes.
Dans les rapports familiaux, seulement 49 % des femmes et 37 % des hommes estiment problématique qu’une femme cuisine tous les jours pour toute la famille, situation pourtant caractéristique de ce sexisme « ordinaire ». La présence d’une mère lors des rendez-vous relatifs aux enfants (médicaux, scolaires, parascolaires...) est plus importante que celle d’un père pour 21 % des femmes et 26 % des hommes.
Des clichés « masculinistes » ancrés chez les hommes de moins de 35 ans
Pour le Haut Conseil à l'Égalité, il est "urgent de tenir compte des résultats concernant la génération des 25-34 ans", parmi laquelle 23% des hommes considèrent qu'il faut parfois être violent pour se faire respecter (contre 11% de la population masculine totale). De même, un homme sur cinq de cette jeune génération estime que "vanter ses exploits sexuels auprès de ses amis hommes" permet d'être respecté en tant qu'homme, contre 8 % du reste des hommes. Quant aux violences conjugales, seuls 78% des 15-34 ans perçoivent un problème lorsqu' "un homme gifle sa conjointe", alors que les plus de 65 ans sont 97 % à s'en offusquer.
Le HCE s’inquiète d’un phénomène de « backlash », cinq ans après #METOO, où « une partie des hommes se sent fragilisée, parfois en danger et réagit dans l’agressivité ». Un phénomène pouvant expliquer en partie ses chiffres inquiétants, parmi la population masculine la plus jeune.
Un plan d’urgence massif autour de 10 recommandations pour "prendre la mal à la racine"
Le HCE propose un plan d’urgence massif, qui s’attaque à la fois aux mentalités et à leurs effets délétères, et qui propose des pistes d’amélioration pour des pouvoirs publics plus performants.
- Augmenter les moyens financiers et humains de la justice pour former plus et en plus grand nombre les magistrat·es au sein des juridictions chargées de traiter les violences intrafamiliales, à l’instar de l’investissement espagnol ;
- Instaurer une obligation de résultats pour l’application de la loi sur l’éducation à la sexualité et à la vie affective dans un délai de trois ans, et prévoir une sanction financière en cas de non-respect de cette obligation dans ce délai ;
- Réguler les contenus numériques pour lutter contre les stéréotypes, représentations dégradantes, et traitements inégaux ou violents des femmes, en particulier les contenus pornographiques en ligne ;
- Rendre obligatoires les formations contre le sexisme par les employeurs ;
- Généraliser l’égaconditionnalité (qui conditionne l’argent public à une contre-partie en terme d’égalité) et la budgétisation sensible au genre ;
- Créer une Haute Autorité indépendante pour lutter contre les violences sexistes en politique ;
- Conditionner les aides publiques à la presse écrite à des engagements en matière d’égalité ;
- Rendre obligatoire un système d’évaluation et une publication annuelle sur la part de représentation des femmes dans les manuels scolaires, informant voire conditionnant leur mise sur le marché ;
- Interdire la publicité pour les jouets genrés sur le modèle espagnol ;
- Institutionnaliser la journée nationale de lutte contre le sexisme le 25 janvier.
En aout 2022 déjà, face à la montée des violences chez les jeunes, le HCE appellait à un plan d’urgence de l’égalité à l’école. Sylvie Pierre-Brossolette, présidente du HCE alertait ainsi sur l'urgence de « prendre le mal à sa racine chez les jeunes générations » : « l’absence d’éducation à la vie sexuelle et affective favorise le sexisme, qui est lui-même l’antichambre des violences ».
Le HCE pointe donc du doigt la nécessité d'éduquer les nouvelles générations dans des nouveaux schémas qui ne véhiculent plus des stéréotypes de genre (interdiction des jouets genrés) et qui projettent une culture de l'égalité (attention sur la représentation des femmes dans les manuels scolaires). Bref, il est grand temps de faire émerger la #générationsolution ✊.